La Dévalorisation du Titre de Champion du Maroc
Maroc Echecs 07 août 2010
Jadis le titre de Champion du Maroc avait une valeur symbolique inestimable. Son détenteur, considéré - par ailleurs - comme le meilleur joueur du pays, était reconnu partout, et apprécié au sein de la communauté échiquéenne marocaine, mais également auprès de la presse sportive nationale. Les championnats nationaux individuels furent le point d’orgue des activités fédérales, objets de toutes les attentions, et souvent couverts par les organes d’information audiovisuels et la presse écrite…à l’époque ou les quotidiens marocains se comptaient sur le nombre du doigt...
• Ainsi, le premier championnat individuel du Maroc qui s’est déroulé en juillet 1965 à Tétouan, fut baptisé (après autorisation du Cabinet Royal bien évidemment) « Trophée du Prince Héritier Sidi Mohammed ». Le Ministre de la Jeunesse et Sport Monsieur Ben Bouchta s’est déplacé en personne au Club l’Union pour décerner le Trophée au vainqueur Feu Mustapha Bakkali.
• En 1968, le troisième championnat individuel, remporté par Feu Ahmed Bennis, se disputait à Rabat, dans les salons du meilleur hôtel de la capitale, Tour Hassan, devant de célèbres personnalités et amateurs du noble jeu :La chaîne télévisuelle nationale en faisait des rapports réguliers...
• Celui organisé en 1973 (le huitième) est resté gravé dans toutes les mémoires…Il fut conçu à l’image du fameux Match du Siècle 1972 entre Fisher & Spassky, disputé par les deux finalistes Bakkali et Bennis à Rabat sous les feux des projecteurs de la Télévision Nationale !, rapporté et commenté quotidiennement lors de l’édition d’information principale. Le triple Champion, Mustapha Bakkali, fut célébré, à son retour à Tétouan, par toute la ville, au cours d’une cérémonie spéciale présidée par le gouverneur d’alors Monsieur Kanouni !
• En 1975, alors que nous venons juste de créer notre premier club à Chefchaouen, je me rappelle encore la couverture journalistique ample et exclusive réalisée par le quotidien le plus important du pays ‘Al ALAM, au 9ème championnat organisé dans la belle et spacieuse Salle des Fêtes de Rabat. la victoire de Khalid Chorfi, jeune architecte, est titrée tout au long de la page sportive en gros caractères, gras et rouges !
• Sept ans plus tard …en décembre 1982, dans les salons du beau Club de la Banque Populaire de Casablanca, je remportai mon premier titre de champion du Maroc. La TVM faisait une couverture correcte de l’événement. Quelle fut ma surprise lors de mon retour à Rabat, au sein de l’institut ou je poursuivais mes études supérieures (ESI) d’avoir été reçu et félicité par le Directeur et célébré par mes profs et mes collègues, alors que j’étais plutôt discret quant à ma passion pour les échecs ! A Chefchaouen, une cérémonie d’hommage m’attendait présidée par le gouverneur Monsieur Ghojdami…
• En mars 1984, comme je l’avais exposé dans mon article sur le défunt Campomanes, le 15ème Championnat Individuel organisé à Chefchaouen fut honoré par la présence du Président de la FIDE en personne. Le vainqueur, mon ami Abdellah Ait Hmidou, fût fêté comme un héros national !
• C’était la belle époque, dira-t-on, difficile de ressusciter dans les circonstances actuelles…IL est vrai, depuis l’implication de Wafa Bank dans le sponsoring des échecs marocains, les divers championnats nationaux sont dotés, à paqrtir des années 90, de prix en espèces, ce qui aurait permis une valorisation "financière" non négligeable du titre. Mais ces prix demeuraient instables et invariables, pour se cantonner finalement dans des sommes dérisoires, inappropriées pour le prestige supposé d’un tel titre. Certains événements étaient certes organisés dans de bonnes conditions matérielles et techniques, souvent grâce aux partenaires locaux (cas de Marrakech), Mais le poids sportif s’est nettement et progressivement diminué et la couverture médiatique est quasi inaperçue sinon nulle.
• L’avènement de « l’ère d’Amazzal & Co » nous a conduit à la dégradation de la plupart des compétitions nationales organisées ou plutôt désorganisées par la FRME, ce qui a provoqué – surtout – la dévalorisation du titre de Champion du Maroc Suprême, événement phare qui devra naturellement marquer la saison sportive, et véhiculer une belle image de marque des Echecs...
• Le dernier Championnat 2010 qui vient de démarrer à Casablanca, en est le pur exemple du ratage et des dérapages de la Junte fédérale. Annoncé à travers le site non fonctionnel de la FRME à cinq jours seulement de son début, la fiche technique le concernant ne fut publiée qu’à deux jours de son démarrage… Improvisé paraît -il pour boucler une saison mal entamée, son impact médiatique est quasi inexistant sinon nu ; Quant aux conditions d’organisation, matérielles et techniques, je ne suis guère en mesure de donner un avis objectif. ...Bonne chance à tous !